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Adelalu
25 janvier 2018

un funambule | Alexandre SEURAT (2018)

L'image de Solenne revint, il s'abîma en elle, s'abandonnant à elle, oubliant tout, s'émancipant en tout, échappant grâce à elle à tout ce qui le retenait encore. Puis le visage de Solenne disparut à nouveau - ou était-ce lui qui s'était dérobé ? Son père avait dit, Bon, puis, Allons-y. Alors il se sentit à nouveau chanceler: ses mains étaient poisseuses, il avait l'impression qu'elles ne seraient jamais propres, une sueur lui collait aux tempes, au dos. Il dit à son père, J'arrive, s'excusa, c'était urgent, puis il se déroba dans le couloir. Il eut juste le temps d'entendre derrière lui la voix de son père : Le plus rapide serait le mieux. Les toilettes : la lumière crue sur les murs jaunes, sa respiration haletante, son visage avait encore perdu de sa couleur. Comme une pâte qui s'allonge, se détache, s'englue à autre chose. Était-ce lui, cette peur ?

un funambule

Un homme regarde la mer. Il pense à Solenne qui l'a quitté, au quad qui semble lui foncer dessus. Il s'est retiré dans la maison de vacances de ses parents, il n'arrive plus à écrire, il n'arrive plus à bouger sans cette douleur qui se niche dans tous les creux de son corps. Pris au piège par ses pensées.
Cet homme regarde sa mère, aussi. Ils s'aiment, bien qu'inaptes à se comprendre, se parler, ou même se côtoyer. 
Les phrases sont courtes puis longues, en apnée puis en hyperventilation, et ce avec le parfait dosage : une écriture qui se place hors du temps, faite de points, de virgules, d'appartés si poétiques, de "et puis" et de "ensuite", de flou et de chutes en arrières, de bourdonnement dans les oreilles et de lumière trop vive. La distance d'avec le narrateur, dont on ne connaît que les maux, mais pas le prénom, est appuyée par le discours rapporté, qui laisse entendre seulement l'écho aux lecteurs et lectrices. 
C'est un roman-poésie, à lire comme un long poème, doux par les mots et piquant par ce qui s'y cache. Un délire, une folie, un pas en dehors de la vraie vie. 

Un funambule, s'il s'apprête à marcher sur son fil, doit basculer le poids de son corps du pied qui est sur le rebord au-dessus du vide, et il ne peut le faire qu'en ayant une confiance absolue dans le vide. Il ferme les yeux, il se concentre, prend sa respiration, et tout à coup peut-être, il sent l'appel du fil, et il avance : il marche, et tout est simple, peut-être, tout est lumineux. Peut-être.

Alexandre SEURAT, un funambule (2018)
Éditions du Rouergue
12€

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Adelalu
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